Par un arrêt rendu le 16 février 2022 n°20-11.754, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que la tête d'un réseau de distribution sélective qualitative peut refuser d'agréer des distributeurs qui remplissent pourtant les critères de sélection.

Dans le cadre de la restructuration de son réseau de distribution exclusive en un système de distribution sélective qualitative et quantitative, la société Mercedes Benz France a résilié, avec effet au 30 septembre 2003, le contrat de concession exclusive à durée indéterminée qui la liait à un concessionnaire pour la distribution de véhicules neufs de la marque Mercedes Benz dans la région d’Angers.

Etant le concessionnaire exclusif de la marque Mercedes Benz dans la région depuis 1970, ce dernier s’est alors immédiatement porté candidat en vue d’obtenir un agrément en tant que distributeur agréée de véhicules neufs. Cette demande a, toutefois, été refusée par la tête de réseau qui a sélectionné pour le territoire concerné une société tierce.

La résiliation de ce contrat ainsi que le refus d’examen de sa candidature à un agrément comme distributeur agréé ont été contestés en justice par l’ancien concessionnaire, mais l’ensemble de ses demandes ont été rejetées par deux arrêts d’appel devenus définitifs (Voir CA Angers, 12 avril 2005 04/00387 et CA Versailles, 24 février 2005 04/01837).

Malgré la résiliation du contrat et le refus d’agrément, les sociétés ont continué à entretenir des liens commerciaux, l’ancien concessionnaire intervenant désormais en tant que réparateur agréé de voitures particulières, en vertu d’un contrat signé en 2002. En 2014, la société Mercedes Benz France a cependant décidé d’y mettre fin avec effet au 17 septembre 2016, l’ancien concessionnaire se portant de nouveau candidat à un agrément, cette fois-ci en qualité de réparateur. Alors que ce dernier remplissait les conditions qualitatives d’agrément, la société Mercedes Benz France a refusé sa demande, au profit du distributeur déjà agréé précédemment.

De nouveau, la résiliation de ce contrat ainsi que le refus d’examen de la nouvelle candidature en qualité de réparateur agréé ont été contestés en justice, Mercedes-Benz ayant notamment avancé la perte de confiance résultant des litiges précédents pour rejeter la demande d’agrément.

Dans son pourvoi, l’ancien concessionnaire/réparateur agréé faisait grief à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 27 novembre 2019 (RG n° 18/06901) d’avoir rejeté ses demandes tendant à enjoindre à la société Mercedes Benz France de l’agréer en qualité de réparateur agréé et à ce qu’elle soit condamnée à réparer le préjudice subi.

En premier lieu, il faisait valoir qu’en refusant d’examiner une candidature remplissant les critères de sélection, la tête d’un réseau de distribution sélective manque à son obligation de bonne foi contractuelle, ce à quoi la Cour de cassation répond que l’exigence d’établir des critères de sélection objectifs, et que ces derniers soient mis en œuvre de manière non-discriminatoire, ne relève pas de l’obligation de bonne foi mais du principe de libre concurrence.

En second lieu, le demandeur au pourvoi arguait que le refus d’agrément, alors même qu’il remplissait les critères de sélection, serait constitutif d’un accord de volonté au sens de l’article L. 420-1 du Code de commerce et donc d’une entente anticoncurrentielle.

Or, la Cour retient que le droit de la concurrence ne prohibe pas le refus par la tête d’un réseau de distribution sélective d’agréer des distributeurs remplissant les critères de sélection, mais sanctionne la mise en œuvre discriminatoire de ces critères.

En effet, pour constituer une entente au sens des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, un refus d’agrément doit avoir pour objet ou pour effet de fausser la concurrence sur le marché en cause, et non pas seulement conduire à des difficultés pour le candidat évincé d’entrer sur le marché.

Par conséquent, sous réserve de l’absence de mise en œuvre discriminatoire des critères de sélection, la Cour de cassation rappelle que chaque opérateur à la tête d’un réseau de distribution sélective reste libre de choisir ses distributeurs parmi ceux présentant les qualités requises, et que le seul respect des critères de sélection ne fait pas naître de droit à l’agrément pour le candidat.

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