La Commission européenne publie un cadre règlementaire relatif à la coopération entre entreprises pour remédier à la pénurie de produits et services essentiels.
 
Le 8 avril 2020, la Commission européenne a publié une communication fixant un cadre règlementaire temporaire relatif à la coopération entre entreprises en réponse aux situations d'urgence résultant de l'épidémie de COVID-19.
 
En principe, toute coopération entre entreprises qui vise à répartir la production ou à échanger des informations sensibles est considérée comme anticoncurrentielle.
 
Cependant, la Commission reconnaît que l'épidémie de COVID-19 a gravement perturbé les chaînes d'approvisionnement, entraînant un choc asymétrique de la demande causé soit par une baisse brutale de la demande des consommateurs pour certains produits et services, soit par une forte augmentation de la demande pour d'autres produits et services (point 2).
 
Compte tenu des circonstances exceptionnelles et dans l’intérêt général, la Commission cherche à faciliter les initiatives des entreprises visant à surmonter la pénurie de produits et services essentiels, notamment dans le secteur de la santé, et à atténuer les effets préjudiciables de la crise.
 
Par exemple, les entreprises pourraient avoir besoin de coordonner leur production ou d'échanger des informations sur les ventes et les stocks afin de répondre à la demande de certains médicaments.
 
Depuis l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, les entreprises doivent auto-évaluer la conformité de leurs comportements aux règles sur les pratiques anticoncurrentielles. Aussi, pour affronter la crise, la Commission a décidé de leur fournir un cadre règlementaire temporaire d’évaluation afin de faciliter les projets de coopération visant à lutter contre l'épidémie de COVID-19 (« Cadre règlementaire temporaire »).
 
D’une part, le Cadre règlementaire temporaire précise les principaux critères que la Commission suivra pour évaluer les projets de coopération de crise en fonction du degré de coopération entre les entreprises.
 
La Commission indique ainsi que la coopération interentreprises dans le cadre d’associations professionnelles ne devrait pas poser de difficultés au regard du droit de la concurrence lorsqu'elle est assortie de garanties suffisantes, conformément aux Lignes directrices de la Commission sur l'applicabilité de l'article 101 du TFUE aux accords de coopération horizontale.
 
Toutefois, si les entreprises souhaitent aller plus loin, la coopération devra répondre aux conditions suivantes (point 15) :

  • être objectivement nécessaire pour accroître effectivement la production de produits essentiels de la manière la plus efficace ;
  • limitée dans la durée, c'est-à-dire, appliquée uniquement tant qu'il y a un risque de pénurie ou, en tout cas, pendant l'épidémie de COVID-19 ;
  • proportionnée à l’objectif de remédier ou d’éviter la pénurie.

Par ailleurs, le Cadre règlementaire temporaire  précise que les entreprises doivent documenter leurs échanges et accords afin de pouvoir les transmettre, le cas échéant, à la Commission à sa demande (point 15). 
 
En outre, toujours selon la Commission, le soutien apporté par une autorité publique est un facteur pertinent à prendre en compte pour évaluer si la coopération est moins susceptible de soulever des questions du point de vue du droit de concurrence (point 16).
 
D'autre part, la Commission met à disposition des entreprises souhaitant lui soumettre des initiatives de coopération une procédure exceptionnelle, temporaire, leur permettant de solliciter des lettres de confort (point 5).

Pour demander une lettre de confort, les entreprises doivent présenter à la Commission leur projet de manière détaillée et argumenter comment les avantages pour les consommateurs l'emportent sur les effets anticoncurrentiels éventuels. Cependant, la Commission peut, à sa discrétion, décider de ne pas donner de suites et, en tout état de cause, les lettres de confort ne l’engagent pas, notamment dans le cadre d’une évaluation successive des pratiques.

C’est dans ce contexte, que le 8 avril 2020, la Commission a émis une première lettre de confort à la demande de l’association professionnelle Medicines for Europe, qui promeut les médicaments génériques, biosimilaires et innovants, au sujet d’un projet de coopération entre producteurs pharmaceutiques visant à réduire le risque de pénurie de médicaments hospitaliers essentiels pour le traitement des patients atteints du COVID-19.
 
La Commission a également mis en place une boîte aux lettres dédiée que les entreprises peuvent utiliser pour demander des conseils informels sur la compatibilité de leurs initiatives de coopération avec le droit de la concurrence. A cet égard, plusieurs entreprises et associations professionnelles ont saisi la Commission dans ce cadre.
 
Ce dispositif normatif s'applique à partir du 8 avril 2020 jusqu'à son retrait par la Commission lorsque les circonstances exceptionnelles l’ayant justifié cesseront. Il pourra être modifié ou complété par la Commission en fonction de l'évolution de la crise (point 21).
 
A la suite de la publication du Cadre règlementaire temporaire, les autorités nationales de concurrence ont indiqué, dans une déclaration commune du Réseau européen de la concurrence (REC), qu'elles conseilleront, de manière informelle, les entreprises sur la conformité au droit de la concurrence de leurs projets de coopération en réponse à la crise.
 
Ainsi, le 22 avril 2020, l'Autorité de la concurrence a donné, informellement, un avis sur le projet qui lui a été soumis par l’association professionnelle Rassemblement des Opticiens de France, d’intervention auprès des bailleurs afin de discuter d’un aménagement des loyers commerciaux pendant l'épidémie du COVID-19. En réponse, l’Autorité a indiqué que, même si cette question n’entre pas dans le Cadre règlementaire temporaire de la Commission, l'action commune envisagée ne semblerait pas être contraire au droit de la concurrence.