Dans un récent arrêt, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur l’applicabilité de la retenue à la source prévue à l’article 182 A du Code général des impôts (« CGI ») à la rémunération perçue par un salarié détaché de la Suisse vers la France pour exercer des fonctions de directeur général d’une société française (Conseil d'État, 8e et 3e ch., 5 février 2024, n° 469771).

Au cas présent, la famille du salarié était établie en Suisse – ce dernier n’exerçait ses fonctions en France qu’une partie de l’année puisqu’il effectuait des déplacements à l’étranger et travaillait occasionnellement en Suisse.

Néanmoins, l’administration fiscale, puis le Conseil d’Etat, ont refusé l’application de la retenue à la source au prorata des périodes durant lesquelles l’intéressé a exercé ses fonctions en étant présent en France.

Le Conseil d’Etat a considéré que le mandataire social, exerçant sur le sol français une activité professionnelle à titre non accessoire, devait être considéré comme résident fiscal français au sens de l'article 4 B du CGI, et cela quand bien même il serait résident fiscal suisse en application de la convention fiscale franco-suisse.

Si cette décision s’éloigne de la conception classique de la répartition du droit d’imposition entre les Etats en fonction du lieu où le salarié exerce effectivement son activité professionnelle, elle est encore plus étonnante en ce qu’elle fait abstraction des dispositions de la convention fiscale applicable.

A cet égard, le Conseil d’Etat infirme la doctrine administrative selon laquelle la notion de « résident » appréciée au sens de la convention en cause prévaut sur celle du « domicile fiscal » résultant des dispositions de l’article 4 B du CGI.

Ce raisonnement nous apparaît d’autant plus paradoxal que l’établissement de la résidence fiscale est plus aisé en application des critères alternatifs fixés à l’article 4 B du CGI, tandis qu’ils sont hiérarchiques dans le cadre des conventions fiscales.

D’un point de vue pratique, cette décision aurait pour conséquence de soumettre les mandataires sociaux de sociétés établies en France au prélèvement à la source, selon des modalités moins favorables et avec un formalisme plus lourd pour la société (dont le non-respect pourrait entraîner l’application de pénalités).

Cette décision invite à la plus grande prudence quant aux conditions dans lesquelles un mandataire social d’une société établie en France exerce ses fonctions. Aussi, il faudra suivra avec attention la pratique de l’administration fiscale et si elle entend faire une application générale de cette décision pour apprécier la résidence fiscale des salariés détachés en France.